Une histoire qui commence il y a un peu plus de 40 ans à La Louvière
En 1979, un petit groupe de femmes militantes décide de fonder ce qu’elles appellent « un refuge pour femmes battues ». Avec pour seul moyen la force de leur conviction, elles mettent alors sur pied une des trois structures spécialisées encore existantes aujourd’hui. Elles démarrent avec peu : une maison en mauvais état, des meubles récupérés, des travailleuses bénévoles très motivées mais sans formation particulière.
Très vite, les victimes affluent, souvent avec des enfants. Les besoins étaient là depuis longtemps, l’offre d’aide les a seulement révélés… Quelques années de galère et de militantisme bénévole passent. Les responsables, avec à leur tête Christiane Rigomont qui deviendra la première directrice et qui est une des fondatrices de l’asbl, tiennent bon dans l’adversité.
Les premières subventions publiques arrivent en 1983. Des travailleuses peuvent être engagées, une maison en meilleur état est mise à disposition par le CPAS. Peu à peu le personnel s’étoffe, se forme, se spécialise. Mais Solidarité femmes doit diversifier ses offres d’aide et de services car rien n’existe à l’époque pour répondre aux multiples besoins des victimes. C’est ainsi que l’asbl ouvre ses portes 24h/24 avec une ligne téléphonique accessible à toute heure, met en place des accompagnements psychosociaux et juridiques hors hébergement (c’est le service ambulatoire), développe des expériences de groupe et crée des outils de sensibilisation du public, de prévention pour les jeunes, de formation pour les professionnel.les, de documentation. Ces services existent toujours aujourd’hui.
Née des mouvements féministes, l’asbl y puise encore et toujours ses racines. Ses statuts sont clairs : Solidarité Femmes entend contribuer aux changements de mentalités nécessaires pour arriver aux rapports égalitaires entre les sexes et donc à l’élimination des violences envers les femmes.
En se battant aux côtés des victimes, en portant leur parole, Solidarité Femmes contribue à la reconnaissance de la violence conjugale en tant que problème social majeur qui impacte principalement les femmes. Une action politique qu’elle maintient dans le temps au travers des formations qu’elle donne tant en Belgique qu’à l’étranger, par sa participation à des collectifs militants d’associations, ses prises de position publiques, ses actions de prévention et d’information.
La violence vécue au sein du couple impacte toutes les sphères de la vie des femmes : la conjugalité, la parentalité, la famille, les liens sociaux, l’insertion professionnelle, la citoyenneté…La violence conjugale porte atteinte aux libertés fondamentales des femmes qui en sont victimes : leurs libertés de parole, de mouvement, d’action, de choix. Le couple et la famille deviennent des lieux de non droit où s’exerce un pouvoir totalitaire. Les femmes, par leur socialisation, sont les victimes désignées de la violence conjugale.
S’il faut aider les victimes à se réparer, à se reconstruire individuellement, il est tout aussi nécessaire de les aider à retrouver l’usage et la capacité d’exercer leurs droits les plus fondamentaux et même à réapprendre les mécanismes de la démocratie. L’asbl mène donc des actions collectives qui visent l’émancipation et l’autonomie des femmes à tous les niveaux.
Dans les activités de groupes qu’elle met en place, Solidarité Femmes fait le pari que les femmes découvrent ensemble les similitudes de leurs parcours individuels, les conditionnements sociaux qui les traversent et les handicapent. De la sorte, elles se renforcent et se solidarisent. Elles font l’expérience de la force de l’action collective, elles deviennent actrices de leur vie et créent des réseaux d’entraide. Elles prennent conscience de leur rôle social.
(Josiane Coruzzi, Directrice de Solidarité Femmes)