8 mars, droits des femmes et violences… au boulot !

Le 8 mars n’est pas la « Journée de la Femme » (c’est quoi, « LA-FEMME » ?) ni « La Fête des femmes ». Même si fleurs et chocolats sont toujours les bienvenus et ce, finalement, quel que soit notre sexe biologique ou notre identité de genre, le 8 mars n’a en fait pas grand-chose à voir avec une fête ou une opération marketing. Le 8 mars est la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Le 8 mars invite à réfléchir sur l’Egalité Femmes-Hommes qui reste malheureusement un objectif encore bien flou et lointain. Le 8 mars est l’occasion d’évoquer les droits des femmes et de faire le point sur les nombreux combats encore à mener.

A cette occasion, Solidarité Femmes s’est penchée sur les droits des femmes, en Belgique, sur leur lieu de travail ainsi que sur l’accès des femmes au marché de l’emploi. Le contexte professionnel est malheureusement propice à l’installation sournoise de violences sexistes. Aussi surprenant que cela puisse paraître de prime abord, il est également susceptible d’y accueillir les exactions des auteurs de violences conjugales.

Au travail : inégalités et violences sexistes

En 1921, soit il y a un peu plus de 100 ans, la Belgique se penche pour la première fois sur la question de l’égalité salariale en décidant d’aligner les salaires des institutrices sur ceux des instituteurs. Cent ans plus tard, selon un rapport de l’Institut pour l’Egalité des Chances, l’égalité salariale en Belgique, tous secteurs confondus, est marquée par un écart se situant entre 9,2 et 23,1 % (ce dernier chiffre se base sur le calcul des salaires annuels), en défaveur des femmes (source : SPF Emploi, travail et concertation sociale). Au cours de l’Histoire, durant chaque période de dépression économique, pour préserver les emplois des hommes, on a sacrifié ceux des femmes. Cela s’est passé en 1933 quand les salaires des femmes fonctionnaires mariées ont été réduits de 25 %, mais aussi en 1982 quand l’entreprise Bekaert-Cockerill, en accord avec les syndicats, a décidé de passer à mi-temps une série de travailleuses pour éviter de licencier des hommes. Que penser, actuellement, du nombre de travailleuses occupées à temps partiel (42,7 % des femmes occupées) – un nombre disproportionné par rapport aux travailleurs hommes (12,6 % des hommes occupés) – et du fait que seuls 10 % de ces femmes ne souhaitent pas augmenter leur temps de travail ? (Source : Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes)

Beaucoup de travailleuses qui veulent grimper les échelons de la hiérarchie sont confrontées au phénomène du « plafond de verre » qui bloque leur ascension et les empêche d’accéder aux postes de pouvoir et aux salaires les plus élevés.

Un autre phénomène discriminatoire est celui qu’on appelle « plancher collant » : un grand nombre de femmes sont condamnées dès le début de leur carrière à des postes subalternes, faiblement valorisés et rémunérés, et une évolution professionnelle vers un emploi plus attrayant apparait pour elles extrêmement difficile si ce n’est impossible.

Les métiers exercés majoritairement par des femmes souffrent généralement d’un cruel manque de reconnaissance, y compris financière : les soins de santé et l’éducation sont deux secteurs où les inégalités de genre sont criantes. La plupart des aides-soignantes et des infirmières sont des femmes, on trouvera en revanche beaucoup d’hommes parmi les médecins chefs de service. De même, le secteur des crèches et de la petite enfance est globalement féminin mais le personnel académique des universités est majoritairement composé d’hommes.

Depuis 1969, la loi interdit de licencier une femme pour cause de mariage ou de grossesse. Pourtant, en 2020, une partie importante des signalements faits auprès de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes relevait encore de discriminations envers les femmes enceintes sur leur lieu de travail (un contrat non reconduit à l’annonce d’une grossesse, la mise en place d’un climat hostile pour inciter la travailleuse à démissionner ou à réduire son temps de travail, etc.).

Le harcèlement sexuel est un autre fléau dont sont victimes de nombreuses travailleuses, malgré un cadre légal qui condamne ce phénomène. Il se vérifie malheureusement dans tous les secteurs. Récemment c’est le monde universitaire qui a été secoué par une carte blanche virulente dénonçant le sexisme ambiant et par les déclarations d’un professeur de l’UCLouvain relatant des faits graves commis contre des femmes membres du personnel académique et administratif. Une main aux fesses, des réflexions qui mettent mal à l’aise, des propositions malsaines et des menaces de briser une carrière si on rompt le silence : le harcèlement sexuel se manifeste sous différentes formes et voit dans la grande majorité des cas un homme dans la position du bourreau et une ou plusieurs femmes dans celle de la ou des victimes.

Et la violence conjugale dans tout ça ?

Et la violence conjugale dans tout ça ? Parlons-nous de deux phénomènes qui n’ont entre eux aucune interaction ?

Le fait de travailler, pour une femme qui subit de la violence conjugale, peut constituer une bouée de sauvetage : la femme qui travaille n’est pas isolée, sur son lieu de travail elle est temporairement à l’abri des violences de son conjoint. Elle peut même profiter de ses heures de travail et du fait de ne pas être à la maison pour entreprendre des démarches, s’informer, cacher des documents importants en vue d’une séparation ou d’un dépôt de plainte. Certains conjoints se doutent de tout cela et incitent leur femme à démissionner, ou à ne pas chercher un emploi quand elles sont inoccupées. Leurs arguments peuvent sembler convaincants : « les enfants ont besoin de toi », « tu as vu les prix des crèches ? », « je gagne bien ma vie, tu as la chance de ne pas devoir travailler ». Mais en incitant sa femme à ne pas travailler, l’auteur de violences conjugales la prive d’un réseau social, l’isole encore plus et, aussi, il instaure une dépendance financière. Sans ressources propres, beaucoup de femmes victimes de violences conjugales ont peur de partir. Peur de ne pas savoir payer un loyer, peur qu’on leur enlève les enfants, peur de ne pas s’en sortir.

D’autres hommes violents, au contraire, obligent leur femme à travailler : ils imposent le secteur (ou leur interdisent de postuler dans tel ou tel secteur), les conditions (à temps partiel, de manière non déclarée, etc.), sans tenir compte de l’avis de la principale intéressée. La prostitution forcée par le conjoint est un autre exemple de violence conjugale qui flirte avec la violence au travail. Les cas de proxénétisme conjugal sont encore malheureusement trop peu médiatisés.

Enfin, même sans avoir un contrôle direct sur la situation professionnelle de leur conjoint, certains hommes continuent à être violents avec leur compagne jusque sur le lieu de travail de cette dernière : en la harcelant au téléphone ou par mail, en venant sur place pour la contrôler, en tentant de manipuler ses collègues, etc.

Témoin ou victime, que faire ?

Si vous avez des doutes au sujet d’une collègue ou d’une employée, si vous pensez qu’elle pourrait subir de la violence conjugale, n’hésitez pas à l’approcher et à lui demander si tout va bien, à lui dire que vous pouvez l’écouter si elle a besoin de parler.

N’insistez pas mais montrez-lui que vous êtes là. Ce sera plus facile pour elle de venir vers vous si elle en ressent le besoin. Si elle se confie, écoutez-la sans la brusquer et sans poser de jugement sur la situation. Suggérez-lui de contacter une association comme la nôtre ou de former le 0800 30 030. Vous pouvez vous même composer ce numéro si vous ne savez pas comment agir et réagir en tant que témoin ou si vous souhaitez quelques conseils.

Si vous êtes victime, si vous avez des doutes sur votre relation (y compris sur le comportement d’un ex), vous pouvez nous appeler au 064 21 33 03 ou former le 0800 30 030. Au bout du fil, vous trouverez des professionnel.les spécialisé.es en violences conjugales qui respecteront votre rythme et vous conseilleront gratuitement et sans vous mettre aucune pression.


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