« Les Enfants perdus » de Michèle Jacob : un film sur l’enfance abîmée 

Les Enfants Perdus de Michèle Jacob est un film belge qui sera présenté en avant-première au Cinéma Aventure à Bruxelles le 9 décembre prochain avant sa sortie officielle le 11. La semaine suivante, le lundi 16, une projection sera suivie d’un échange auquel Solidarité Femmes participera, cette fois pas tant en sa qualité d’experte du vécu des femmes, mais de celui des enfants : un jeune public avec qui nous travaillons quotidiennement dans notre refuge comme au sein de notre service ambulatoire.

Le film de Michèle Jacob a des allures de conte de fée tel que pouvaient les imaginer Charles Perrault ou les frères Grimm. Dans une ambiance à la fois sombre et lumineuse qui tient de l’onirique, quatre enfants se réveillent seuls, sans leurs parents, et ne parviennent pas à quitter la maison au milieu des bois. Tous les chemins les ramènent au point de départ.

Ce film, entièrement porté par des enfants, ne s’adresse pas à un jeune public et peut heurter la sensibilité des spectateurs et spectatrices qui auraient été exposé.e.s à des violences (bref, TW).

Les Enfants Perdus de Michèle Jacob nous rappellent ceux de James M. Barrie, l’auteur de Peter Pan : des enfants tombés du landau qui se retrouvent dans un Pays imaginaire auquel on accède en rêvant.

Dans notre quotidien d’intervenantes, nous rencontrons beaucoup d’enfants perdus. Ces enfants ne sont plus en sécurité, leur foyer n’est pas ou plus le cocon chaleureux que pourrait symboliser un beau landau pour un tout petit. C’est un espace dont il est préférable de s’échapper. Certains, comme la petite Audrey du film de Michèle Jacob, se réfugient dans un Pays imaginaire cauchemardesque, un endroit peuplé de monstres et de fantômes. On sait maintenant que beaucoup d’enfants exposés aux violences développent un syndrome de stress post-traumatique, comme les victimes de guerre : flash-backs, cauchemars, difficultés de concentration et d’attention, anxiété et hypervigilance… Les enfants exposés présentent des troubles scolaires ou des troubles du comportement, ils régressent dans des apprentissages pourtant acquis, certains reproduisent la violence dans leurs jeux, dans leurs rapports aux autres. A l’âge adulte, les ex-Enfants perdus risquent beaucoup plus que les autres de souffrir de dépressions ou d’addictions (alcool, drogues, etc.) mais aussi, malheureusement, de reproduire des schémas de violences et de devenir à leur tour des hommes violents et des femmes victimes de la violence des hommes. Nous luttons quotidiennement pour enrayer ces destins qui ne sont pas tracés. Après 45 ans aux côtés des victimes femmes et enfants, nous savons qu’il est possible de survivre à la violence et d’écrire soi-même et avec l’aide des bonnes personnes une belle histoire qui finira bien.

Les Enfants Perdus n’est pas un film sur les violences intrafamiliales mais sur l’enfance blessée, abîmée et sur la difficulté de devenir adulte quand son enfant intérieur affiche encore des plaies béantes. C’est un film sur nos monstres aussi, ceux qui nous hantent, nous isolent et nous enchainent. C’est, enfin, un film sur la résilience, qui fera écho à bien des spectateurs et spectatrices quels que soient les monstres de leur passé.

Vous avez des questions quant aux conséquences de l’exposition aux violences sur les enfants ? Prenez rendez-vous auprès de notre service ambulatoire à La Louvière au 064 21 43 33 ou formez le 0800 30 030.

Les Enfants Perdus, Cinéma Aventure, Bruxelles, avant-première le 9 décembre en présence de la réalisatrice, sortie le 11 décembre. Projection le 16 décembre à 19h suivie d’une discussion au sujet des enfants exposés à la violence avec Solidarité Femmes.