Les TIC: amies ou ennemies des victimes de violences conjugales ?

On les appelle les TIC, ce ne sont pas des TOC même si beaucoup d’entre nous en font un usage compulsif et obsessionnel… Les technologies de l’information et de la communication, selon la définition qu’en donne l’UNESCO, sont « l’ensemble d’outils et de ressources technologiques permettant de transmettre, enregistrer, créer, partager ou échanger des informations, notamment les ordinateurs, l’internet (sites Web, blogs et messagerie électronique), les technologies et appareils de diffusion en direct (radio, télévision et diffusion sur l’internet) et en différé (podcast, lecteurs audio et vidéo et supports d’enregistrement) et la téléphonie (fixe ou mobile, satellite, visioconférence, etc.). »

Dérives et dangers potentiels

Quand on envisage les TIC dans un contexte de violences de genre, c’est bien souvent les dérives et dangers potentiels qui sont mis en avant. En effet, les violences de genre se déclinent désormais et depuis quelques années en une nouvelle sous-catégorie potentielle : les violences liées à l’usage d’internet. Le revenge porn est particulièrement médiatisé en raison de sa dramatique popularité, jusque dans les cours de récréation des écoles secondaires. Diffuser, après la rupture, des photos ou des vidéos intimes de son ex-partenaire est une forme de violence conjugale post-séparation, peu importe l’âge des protagonistes ou la nature exacte de leur relation. De jeunes adolescentes auront peut-être du mal à se reconnaitre dans l’appellation « violences conjugales » ; ce sera sans doute aussi le cas des adultes piégé·es par un·e partenaire sexuel·le avec qui iels ne se considèrent pas vraiment en couple. Il s’agit quoi qu’il en soit d’une violence entre partenaires fortement connotée de sexisme quand la victime est une femme – comme c’est généralement le cas. La sexualité des femmes y est en effet pointée du doigt comme avilissante et dégradante.

Dans une situation « classique » de violences conjugales, le revenge porn peut faire partie de l’arsenal post-séparation de l’ex-conjoint violent. Le continuum des violences est maintenant attesté : la séparation ne marque pas forcément leur fin, elle peut même parfois les amplifier (cf. à ce sujet notre recherche sur les violences post-séparation). En diffusant des photos ou des vidéos intimes de son ex ou en la menaçant de le faire, on l’humilie et on peut la faire chanter, faire pression sur elle – concernant les droits de garde des enfants par exemple. On lui rappelle enfin sa volonté de contrôle et de domination : « j’ai ce pouvoir sur toi, je n’hésiterai pas à m’en servir. »

Mais l’usage des TIC comme instruments au service de la domination conjugale ne se limite pas à la diffusion d’images érotiques ou pornographiques et à la période suivant la séparation.

Les smartphones, omniprésents dans nos vies, constituent un moyen somme toute banal de contrôler l’autre tout le temps et partout : des appels intempestifs – y compris sur le lieu de travail -, le fait d’exiger de l’autre un partage de position géographique sur whatsapp ou des réponses immédiates aux messages, de vouloir connaitre ses mots de passe pour avoir accès à son adresse mail et à ses réseaux sociaux…

So what ? Pour se prémunir de tout cela, on jette son smartphone ? On enclenche un processus de dé-digitalisation de nos vies ? Pas forcément !

Faire de son smartphone un allié: les aspects positifs de la digitalisation de nos quotidiens 

Internet et son accessibilité via nos téléphones et nos ordinateurs portables peuvent également constituer des ressources précieuses pour aider les femmes à prévenir les violences et à s’en protéger.

Un conseil que les professionnel·les spécialisé·es en violences conjugales prodiguent aux femmes qui subissent des violences au sein de leur couple est, plutôt que de se débarrasser de leur téléphone portable… de s’en procurer un deuxième ! Avoir un deuxième téléphone tenu caché permettra à la victime de pouvoir appeler à l’aide ou au moins d’échanger des messages avec une personne de confiance sans que son conjoint ne s’en aperçoive ou dans le cas où celui-ci lui aurait confisqué son portable.

Il est important que les femmes victimes de violences conjugales puissent avoir accès à internet. L’information n’a jamais été aussi accessible qu’elle ne l’est aujourd’hui et il est maintenant aisé de trouver rapidement le numéro de téléphone d’une association spécialisée ou d’un service juridique, une information sur ses droits, l’adresse du commissariat de police le plus proche, des informations sur les mécanismes qui sous-tendent les violences conjugales. Savez-vous que sur la plupart des sites internet spécialisés en la matière comme le nôtre, un bouton est souvent présent sur la page courante de navigation pour pouvoir quitter la page rapidement ? Celui qui figure sur notre site, si vous le consultez à partir d’un ordinateur, se trouve sur le côté droit et conduit en un seul clic vers le site de la météo en Belgique.

Au même endroit, juste en dessous, un lien « supprimer mon passage » vous amènera vers une page de nos collègues français de SOS Femmes qui donne des indications sur la manière dont il est possible d’effacer son historique de navigation : soit d’empêcher à quiconque d’aller contrôler les sites internet que vous avez visités.

En sachant cela, si vous vivez actuellement des violences conjugales au sein de votre couple, vous serez sans doute plus à l’aise pour aller faire un tour sur notre site (pour savoir par exemple ce que nous pouvons faire pour et avec vous en tant qu’association) ou sur celui de Ecoute Violences Conjugales.

Sur ce dernier, un tchat est disponible durant plusieurs plages horaires au cours de la semaine. En dehors de ces plages horaires, il est possible de laisser un message avec ses coordonnées. Beaucoup sont au courant de l’existence de la ligne d’écoute (0800 30 030), gratuite et anonyme, mais toutes et tous savent-iels que les professionnel.les au bout du fil peuvent aussi lire les messages écrits et tchatter ? Le tchat est une autre possibilité que nous offre internet pour pouvoir prendre contact de manière anonyme et sans aucun engagement avec des professionnel·les spécialisé·es en violences conjugales. Il est parfois plus simple de s’exprimer par écrit, quand les mots restent coincés en travers de la gorge ou quand son agresseur se trouve dans la même pièce… Le lien vers le tchat se trouve dans un onglet violet, en bas à droite de l’écran:

Il existe enfin des applications pour smartphones qui peuvent être d’une grande utilité aux femmes qui risquent de subir des violences. Parmi celles-ci, citons App-Elles qui, bien qu’élaborée par une association française (Résonantes), bénéficie d’une version adaptée au contexte belge francophone. App-Elles permet de présélectionner trois personnes de confiance qui deviendront les personnes protectrices de l’utilisatrice et recevront une alerte sur leur téléphone en cas d’agression ou si l’utilisatrice ne se sent pas en sécurité. Elles auront également accès à l’audio de son téléphone et pourront la géolocaliser et ainsi la rejoindre ou alerter les secours, en fonction de la situation et des recommandations fixées au préalable par la personne protégée. App-Elles permet aussi d’enregistrer discrètement des menaces ou une agression verbale – ce qui peut s’avérer utile dans le cadre d’un éventuel dépôt de plainte. L’application propose en outre à son utilisatrice une sélection de lignes d’aide, de tchats, de sites d’information et de fiches conseil relatives aux différentes formes de violences et d’agressions dont une femme pourrait être victime (violences sexuelles, mariage forcé, harcèlement, etc.).

En plus de renforcer le sentiment d’insécurité des femmes et des filles dans l’espace public, on comprend aisément l’utilité que cette application peut avoir pour des femmes subissant des violences conjugales ou craignant des violences post-séparation.

Internet, un suppôt de Satan ? Pas forcément : tout dépend simplement et comme toujours de l’usage qu’on en fait.

Photo d’illustration: Priscilla du Preez pour Unsplash


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