Tina

Ignazia, que tout le monde appelle Tina, est une des premières travailleuses de Solidarité Femmes. Elle intègre l’association en 1983 avec une formation de… couturière ! Depuis lors, sa fonction a beaucoup évolué, même si au début de la crise sanitaire elle a ressorti sa machine pour coudre des masques et des tabliers !

Tina, à l’heure où j’écris ces lignes, vient de prendre sa pension en tant que travailleuse polyvalente à mi-temps. Elle continuera cependant à exercer son autre mi-temps d’animatrice en éducation permanente jusque la fin de l’année 2022.

De la couture …

En 1983, Tina est engagée comme couturière dans cette association militante qu’elle ne connait pas et qui ne dispose même pas d’une machine à coudre. Christiane, la fondatrice, qui signe son contrat, lui annonce que sa première mission est de veiller à la sécurité des femmes. Elle devra aussi les accompagner, les épauler. Tina va aider à l’aménagement de la maison, on va lui confier de petits travaux de peinture, la recherche de dons (meubles et vêtements). Bien vite, elle va quand même mettre sur pieds un atelier de couture avec les femmes hébergées. Ses talents de couturière seront également requis pour adapter les vêtements reçus en dons aux morphologies des femmes qui les reçoivent : un ourlet par-ci, un bouton par là…

Plus tard, on confiera à Tina l’accueil téléphonique. Pour offrir un service le plus adapté et le plus empathique possible, elle suivra de nombreuses formations notamment sur le Processus de Domination Conjugale (PDC) et sur l’estime de soi des femmes. Elle devient animatrice en 2001 après avoir suivi une première formation qualifiante portant sur la prévention du surendettement. Pendant cinq années, elle va animer des groupes de femmes avec lesquelles elle va réfléchir à des manières de changer les comportements d’achat et de bloquer la transmission transgénérationnelle condamnant certaines familles à un endettement dont il est difficile de sortir un jour.

… à l’éducation permanente

En 2007, Tina va entreprendre une formation longue à la DGAC en animation de groupe. Ce sont les débuts de l’aventure « éducation permanente » au sein de Solidarité Femmes, ou du moins de sa reconnaissance officielle. En effet, ce nouvel axe de travail fait sens pour l’association qui, dès sa création à la fin des années 1970, a impliqué les femmes aidées dans ses réflexions sur la société et dans ses projets défendant une société égalitaire, non-violente et non-sexiste. Tina se dote donc des outils nécessaires pour pouvoir animer des réunions et des animations ascendantes transversales, au sein desquelles s’échangent des savoirs horizontaux, dans une dynamique participative. Les participantes des ateliers de Solidarité Femmes sont ainsi encouragées à devenir des CRACS : des citoyennes responsables actives critiques et solidaires. Les groupes d’éducation permanente prennent vite un nom : les Chanceuses.

Les animations proposées par Tina portent sur les droits des femmes, l’élimination des stéréotypes de genre ou encore la citoyenneté responsable. Elles s’adressent aux femmes hébergées au sein de la maison d’accueil mais aussi aux ex-hébergées et quelques fois aux femmes fréquentant le service ambulatoire. Certaines animations sont ouvertes au grand public, mais toujours dans un cadre non-mixte.

Tina s’occupe aussi des sorties culturelles, en partenariat avec la cellule Article 27 de la Région du Centre (qui octroie des réductions importantes aux publics précarisés afin de leur faciliter l’accès à la culture) : un spectacle au théâtre, un film au cinéma… Autant d’occasions de se réapproprier l’espace public, en groupe, et dans une démarche d’empouvoirement.

Théâtre et militance

Enfin, en 2012, les Chanceuses lancent leur propre atelier théâtral, ouvert à toutes les femmes. L’idée de mettre sur pieds un atelier théâtre vient à Tina après avoir participé en 2011, avec un groupe de femmes hébergées, à la création collective de petites scénettes sur le thème du logement, encadrées par l’association Picardie Laïque. Cette expérience a été concluante, Tina trouve dommage de s’en arrêter là. Elle propose donc à Josiane, la directrice, de créer un atelier pérenne, avec l’aide précieuse du Théâtre des Rues qui avait mis en scène les travailleuses pour le spectacle Pêche d’Enfer douze ans plus tôt. Tina est autant animatrice que participante pour cet atelier. Le théâtre, chez Solidarité Femmes, est envisagé comme une création collective, qui implique les participantes à tous les niveaux : idée fondatrice, écriture, jeu, scénographie. De 2012 à 2019, chaque année à l’occasion du 8 mars, les Chanceuses présentent une nouvelle création, sur des thèmes aussi variés que les stéréotypes de genre, l’histoire du féminisme, la sexualité féminine, etc. Le travail théâtral, d’année en année, se complexifie, passant de courtes scénettes les premières années à un spectacle long comme Maux Bleus (2019), sur les violences conjugales, qui n’a rien à envier aux créations professionnelles et tourne maintenant dans toute la Belgique.

Le travail d’animatrice de Tina présuppose un temps de préparation important, la participation à des réunions diverses et aux répétitions, la réservation de locaux, la réservation de places, etc.

Les 8 mars et 25 novembre constituent pour elle des moments-clé : il y a l’organisation des manifestations, la création de banderoles ou de tee-shirts avec des slogans militants. Il y a la journée du 8 mars à la Maison des Associations en partenariat avec les autres membres de la Plateforme Consultative pour l’Egalité Femmes-Hommes de La Louvière. Il y a « Femmes en scène » : l’événement théâtral militant du mois de mars louviérois. Tous ces rendez-vous immanquables nécessitent d’être pensés et préparés en amont.

La magicienne des horaires et la boss des colis alimentaires

Le mi-temps polyvalent pour lequel Tina vient de tirer sa révérence était quant à lui orienté sur la logistique et la gestion courante de l’association. Tina est la magicienne qui résolvait tous les mois le casse-tête des horaires du personnel et celui des horaires de la ligne d’Ecoute (0800 30 030) et du tchat. Tina assurait aussi (avec Laeticia) une permanence au refuge durant les jours fériés et certains weekends. Elle répondait au téléphone, s’occupait des repas, se rendait disponible pour les femmes et les enfants en fonction des besoins.

Tina coordonnait enfin la gestion des colis alimentaires à destination de plusieurs ex-hébergées et leurs enfants : contacts avec la Banque Alimentaire et le SPF Intégration sociale, commande et état des stocks, comptabilité, etc.


Après presque 40 ans de travail pour Solidarité Femmes, il est temps pour Tina de penser un peu à elle et de prendre du temps juste pour elle.

Mais on ne quitte pas les Chanceuses aussi facilement. Elle se dit déjà qu’elle pourrait trouver quelques créneaux disponibles au sein de son agenda de future pensionnée pour la troupe théâtrale… Quand on pense qu’elle n’a accepté de jouer dans Pêche d’Enfer en 2000 qu’à la condition de ne prononcer qu’une seule phrase ! Notre actrice en a fait du chemin…

Mais en 2023, on ne lui demandera plus que de penser à ses horaires à elles. Et de faire en sorte que ses journées soient belles, riches et heureuses.

Parce qu’elle le mérite.

Merci pour tout Tina.

Ecoutez Tina raconter ses débuts chez Solidarité Femmes !

Les débuts de Tina chez Solidarité Femmes en 1983
Vieille féministe !

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