L’été est une période propice pour renouer avec le plaisir de la lecture ou pour pouvoir consacrer plus de temps à cette passion. Solidarité Femmes vous conseille deux romans récents qui traitent tous les deux de violences entre partenaires en adoptant le point de vue du fils de la victime: Ceci n’est pas un fait divers de Philippe Besson et Monique s’évade d’Edouard Louis.
Ceci n’est pas un fait divers, Philippe Besson, Editions Julliard, 2023 (sortie Poche en 2024)
Ceci n’est pas un fait divers, roman de fiction inspiré d’un fait réel, commence avec un coup de téléphone : celui de Léa, 13 ans, à son frère ainé âgé de 19 ans. « Papa vient de tuer maman. » De dix-sept coups de couteau pour être précis. Léa était présente.
Philippe Besson raconte les heures, les jours et les mois qui suivent un féminicide intime – aboutissement tragique d’une vie conjugale marquée par la domination et les violences – tels que vécus par les deux enfants de la victime et racontés par l’ainé. Avec la délicatesse et la pudeur qui le distinguent, Besson aborde avec beaucoup de justesse la question du ressenti des enfants confrontés à la violence au sein de leur foyer : leur désarroi face à la tragédie, leur culpabilité, l’ambivalence de leurs sentiments à l’égard de leur père. L’auteur souligne le processus de responsabilisation précoce de ces enfants, qui atteint un point culminant quand ils se retrouvent seuls comme Léa et son frère, après la mort de leur maman. Il évoque l’état de stress post-traumatique qui touche un nombre important de femmes victimes de violences entre partenaires, mais aussi d’enfants exposés à ces violences.
Ceci n’est pas un fait divers est enfin un roman sur le thème du féminicide. Il décrit précisément le contrôle, la domination et la violence croissante au sein du couple qui précèdent le geste fatal, mais aussi le risque accru de passage à l’acte au moment de la rupture. L’auteur raconte les occasions manquées de sauver la victime quand il en était encore temps: des agents de police non formés qui ne donnent aucune suite à un premier appel à l’aide, des témoins qui n’osent pas intervenir. Il décrit le calvaire du procès, lent et long et par moments insoutenable. Il propose au lecteur, à la lectrice, de partager un petit bout du parcours de reconstruction de ceux et celles qui restent : les enfants.
Monique s’évade, Edouard Louis, Editions du Seuil, 2024
Monique s’évade commence également par un appel téléphonique. C’est, comme dans le roman de Philippe Besson, le fils qui décroche, mais la voix au bout du fil est celle de sa mère. Elle aussi a pris la décision de partir et son départ n’entrainera heureusement aucune réaction violente de la part de son conjoint. Une autre différence majeure avec le roman de Philippe Besson réside dans le fait que Monique s’évade, comme Combats et métamorphoses d’une femme du même auteur, fait le récit d’une histoire vraie, celle de la mère d’Edouard Louis. S’il s’agit d’un roman, ce n’est pas pour autant une fiction. Edouard Louis explore encore une fois son milieu familial (il avait commencé en 2014 avec En finir avec Eddy Bellegueule), marqué par la pauvreté et la précarité à la fois sociale, économique et culturelle. Un milieu familial qui n’a pas été épargné par les violences conjugales : la tension, le contrôle, les insultes, les dénigrements, le mépris.
Monique a réussi une première fois à quitter un conjoint violent – Edouard Louis le raconte dans Combats et métamorphoses d’une femme -, elle fait dans ce second ouvrage qui lui est consacré le triste constat d’une répétition d’un schéma de domination dont elle est la victime, encore. Dans Monique s’évade, l’auteur entend dénoncer le lien – trop souvent occulté – entre les ressources économiques d’une femme victime de violences et la facilité avec laquelle elle pourra ou non mettre un terme à la relation qui l’emprisonne. En d’autres termes, c’est du prix de la liberté des femmes victimes de violences dont il est question ici. Partir n’est jamais simple, mais il l’est encore moins quand on n’a nulle part où aller, quand on n’a pas les moyens de payer une garantie locative, un loyer, des meubles et de l’électroménager pour pouvoir vivre dignement et de manière autonome.
En filigrane, l’auteur décrit également la nécessité, pour les survivantes, de renforcer leur estime de soi, de s’entendre dire qu’elles sont courageuses. Ce travail, on le devine au fil des pages, il s’est notamment fait, pour Monique, à travers la littérature et la plume de son fils.
Bonne lecture ! N’hésitez pas à nous revenir pour partager vos impressions (communication.solidaritefemmes@gmail.com)!
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